Auguste
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Auguste : Reconnaissances

            Auguste de Rosemonde se jeta sur son sénéchal dès que celui-ci fut rentré, articulant à peine ses mots :

-         Y a t il du courrier de Castille ? Un paquet ? Réponds, enfin !

-         Non mon seigneur, rien aujourd’hui. Je vous rappelle que vous m’avez dit vous même que vous n’attendiez des nouvelles que fin de cette semaine.

-         Je sais, je sais mon bon Benoît, mais j’espérais…

-         Il serait mieux pour la santé de Monsieur le Duc qu’il s’occupe un peu, comme le Bon Docteur lui a recommandé. Je vous rappelle que vous avez rendez vous avec ces messieurs des renseignement de l’Empereur cet après midi. Votre costume est prêt. Avez vous besoin d’autre chose ?

D’un geste, le Duc fait signe à son serviteur de disposer… S’occuper un peu. C’est vrai que la réunion de l’après midi risquait d’être cruciale. Faire comprendre à des certains de ses pairs nobles, tout membres des renseignements qu’il soient, l’intérêt de méthodes diverses pour gagner une guerre était fort difficile. Pour plusieurs d’entre eux (Auguste pensait tout particulièrement a cet incompétent de De Lasne), le renseignement était une chose, et la guerre une autre. Benoît avait (comme toujours) raison : il fallait qu’il soit en forme pour convaincre ses chers compatriotes. Aidé par un serviteur, De Rosemonde prépara sa plus belle tenue martiale, avec le grade (honorifique) de Commandant qu’il avait reçu des mains de l’Empereur du temps de sa jeunesse. Vérifiant le résultat dans le miroir, De Rosemonde fut satisfait. Il se saisit d’une lourde canne à pommeau d’argent et monte prestement dans son fiacre.

Tandis que défilent les rues de la capitale, Auguste se prépare mentalement au débat. Les renseignements impériaux sont dirigés par trois personnes qu’il connaît bien. Edgard de Lasne, bien sur, qui considère cette activité un peu comme un jeu, distrayant mais sans intérêt réel. Ce qui est d’autant plus gênant que l’homme est influent, et dispose de l’oreille de l’Empereur. Selon lui, les affaires militaires sont trop sérieuses que pour êtres traités par leur service. Il aura probablement plus de chance avec Frédéric de Hamptine, noble de petite famille, proche de la bourgeoise, l’homme fait preuve d’un pragmatisme étonnant voir dérangeant dans la haute société montaginoise. Nul ne sais exactement quels appuis l’on mené a cette position, toute honorifique qu’elle soit. Le dernier est Nicolas de Longrin, militaire anobli durant les campagne en Eisen. Auguste ne le connaît pas bien, mais espère qu’un homme de terrain verra l’intérêt d’économiser la vie des soldats de l’Empereur.

Au moment où le Duc de Rosemonde revoit une dernière fois ses plans, le fiacre passe un large grille, et traverse les vastes pelouses du manoir des De Lasne. Rajustant une dernière fois sa tenue, Auguste sort du fiacre, et monte les quelques marches le menant à la demeure.

-         Monsieur le Duc, quel honneur de vous avoir parmi nous cet après midi !

-         Merci Edgard, j’espère que ma venu ne vous cause pas trop de soucis.

-         Qu’allez vous donc penser là ? Mais entrez, on a préparé le petit salon, comme nous ne sommes que quatre, j’espère que vous n’y verrez pas offense, mais la grande salle est un vrai chantier…

Tout en restant affables voir précieux, les deux hommes s’observent longuement. Que voit-il se demande Auguste ? Un Duc vieilli avant l’âge, une charge inutile ? Non… Il se demande évidemment ce que je peux bien venir faire là, dans sa chasse gardée. Monsieur aime les parties enlevées ? Et bien il va être servi.

-         Nicolas est déjà là, toujours aussi raide, le pauvre, mais nous attendons encore Hamptine

-         Frédéric de Hamptine, vous voulez dire, Edgard ?

-         Oui, enfin bien sur, mais dites-moi monsieur le Duc, nous sommes entre gens de bonnes familles ici, vous n’allez pas me dire que ce « De » Hamptine » n’est pas un peu de trop. On ne peut pas dire qu’il fasse honneur à son lignage, à traîner avec ces marchands de tapis, ces « artistes »… Enfin nous nous comprenons.

-         Tout à fait, Edgard.

Nous ne sommes pas encore au salon, et les enchères ont déjà montés. De Lasne a tord de sortir son jeu si tôt… Il s’amolli, le pauvre. Néanmoins, nous savons maintenant tout deux à quoi nous en tenir…

A leur arrivée, un homme maigre à la posture martiale se lève. De Longrin, sûrement se dit Auguste. Quel bonne idée que de porter l’uniforme aujourd’hui.

-         Monsieur le Duc, c’est une joie pour moi de vous rencontrer ! L’on m’avait dit beaucoup de bien belles choses, mais l’ont m’en avait caché de plus belles encore : vous être Commandant de l’armée de Sa Majesté ?

-         C’en est une pour moi aussi, Capitaine de Longrin. En effet, l’Empereur m’a fait l’honneur de me nommer dans mes jeunes années. Je suis plus qu’heureux de voir que le mérite est toujours récompensé comme il se doit.

-         Monsieur le Duc est trop bon.

La conversation tourne durant quelques temps sur l’histoire militaire. Si Auguste n’a jamais fréquenté les champs de bataille, il a par contre beaucoup lu. Contrairement à De Lasne, qui reste fort silencieux devant un débats d’idées sur les mouvements de Stéphano Wulf durant la War of the Cross. Quand De Hamptine est enfin annoncé, De Lasne pousse un soupir de soulagement, jetant un regard noir à Auguste qui clôture la conversation :

         Je vois que nous nous comprenons toujours, entre militaires… Monsieur le Baron de Hamptine, quelle joie !

-         Monsieur le Duc, Comte, veuillez m’excusez pour le retard.

-         Pas d’offense, je vous rassure, nous devisions stratégie en vous attendant…

Auguste profite des rafraîchissements offert pour faire le point. Les choses sont bien engagées vis-à-vis de De Longrin, et De Lasne s’est visiblement montré incapable de faire illusion. Auguste en apprécie d’autant plus le vin. Les hommes s’asseyent à une agréable table en chêne, Edgard présidant, et entame la lecture de l’ordre du jour.

-         Nous devons examiner en ce jour la possibilité de faire usage du Service dans la guerre à venir, et particulièrement pour le premier mouvement qui nécessitera l’établissement d’une tête de pont en Castille, en un lieu encore non déterminé. J’ose espérer que les choses se feront relativement vite, ainsi pourrais-je vous invitez à dîner. Puisque Monsieur le Duc de Rosemonde nous fait l’honneur de sa présence, peut-être peut-il nous exposer son point de vue.

-         Je vous remercie, Edgard. Je suis, comme vous Messieurs, attaché avant tout à la grandeur de notre nation, et à celle de notre bon Empereur. Ayant suivi d’assez près vos différents succès, je pense à l’affaire D’Allemagne entre autres, je pense que vos talents gagneraient à être mis au service de notre pays une nouvelle fois.

Tandis que De Lasne sourit poliment, De Hamptine suit avec attention. L’affaire D’Allemagne, il l’a menée seul, contre l’avis de son supérieur, mais celui-ci s’en est attribué les mérites… Et Auguste le sait pertinemment bien.

 -         Il s’agirait, en quelque mots, d’envoyé un homme anonyme auprès des différentes familles de la noblesse castillane possédant des territoires côtiers. Duément mandaté, l’homme pourrait leur offrir des avantages substantiels, en échange de tout renseignement ou collaboration dans ce conflit. En Castille comme chez nous malheureusement, certaines familles sont mieux loties que d’autres, et nous pourrions certainement jouer la dessus.

L’appel du pied à De Hamptine est clair. Trop peut-être se dit Auguste. Mais ne connaissant pas l’homme, il lui faut essayer. Usant de son droit de préséance, c’est De Lasne qui fourni la première réponse. Les deux autres observent l’étrange ballet entre les « hommes de bonnes familles ».

-         Il me paraît peu… opportun de dilapider ainsi des fonds utiles à notre armée pour le conflit qui s’annonce. D’autant que, pour toute séduisante que soit votre idée, Monsieur le Duc, elle est probablement à la fois peu réalisable et peu acceptable pour nos militaires.

Le moment est venu de se taire pense Auguste, pour forcer une réaction de la part d’un des deux autres membres du Services. A peine esquisse-t-il cette pensée que De Hamptine réagit.

-         Si je ne peut juger des coûts et de l’avis nécessaire de nos militaires, je me doit toutefois d’objecter sur un point, Monsieur De Lasne. Réaliser une telle opération me paraît tout à fait possible. De nombreux hommes efficaces sont à notre disposition, notamment « Tobias ». De plus, imaginer l’intérêt pour le Service : nous serions reconnu par tous, et nous pourrions enfin étendre nos activités.

Un ambitieux… Parfait songe De Rosemonde. Le jeune homme est bien plus capable que ce que pense De Lasne…

-         Capitaine de Longrin, peut-être pourriez vous nous éclairer sur les aspects coûteux de ce projet ?

-         Disons que sans rentrer dans des détails fastidieux, le coût d’une armée en campagne est tel que ce ne sont pas quelques milliers de Sols qui y changeront grand chose. Je pense que nous baser sur un budget de 10 000 Sols me paraît raisonnable. Si ne fusse que dix jours de campagnes sont économisés, nous rentrerons largement dans les frais. Et la noblesse Castillane n’est guère riche.

De Lasne, sentant la situation lui échapper de plus en plus, tente un dernier mouvement

-         Cette discussion n’a pas d’objet : nos militaires refuseront légitimement de mettre la vie de leurs hommes en jeu sur de telles hypothèses

-         Je pense que vous touchez un point important, Edgard. Capitaine, à votre avis, quel serait l’accueil d’un tel projet chez nos confrères de l’armée ?

-         Je ne peut prétendre ici parler au nom des généraux de Sa Majesté…

-         Mais Edgard et moi vous savons capable d’exprimer leurs opinions dans les grandes lignes, Capitaine.

-         Je vous remercie, Commandant. Bien disons que si le plan est bien construit et que l’action peut être annulée au dernier moment en cas de problème, l’accueil pourrait être favorable.

De Lasne enrage, puis reprend un ton très docte

-         « Pourrait être favorable ». Nous devons, Nicolas, nous baser sur des faits, non des « peut-être ». Nulle doute que ce projet sera refusé, malgré les points plus qu’intéressants que vous nous avez démontrés.

Alors qu’Auguste se demande comment répondre à un De Lasne clairement satisfait, c’est De Hamptine qui de nouveau monte au créneau.

-         Bien, je pense que les choses sont claires. Si je résume, nous avons là un projet intéressant pour notre pays, finançable et pour lequel nous avons des hommes de terrais efficaces. Je propose que les membres du Service l’adoptent immédiatement, pour soumission à la Haute Cour Militaire. Je suis certain qu’avec vos appuis, nous parviendront à faire entendre raisons à ces gens. Des objections ?

Stupéfait, Auguste se force à retenir sa joie. Bien sur, reste l’obstacle de la Cour, mais De Lasne vient de se faire acculer dans les plus nobles formes de l’art par ce jeune homme. En silence, chacun acquiesce…

Sur le perron, le Duc fait ses adieux à son hôte

-         Merci pour tout, Edgard, mes excuses de ne pouvoir rester pour le repas, mais vous savez, ces réunions sont épuisantes à mon âge.

D’un air satisfait, il s’en retourne vers son fiacre.