Prisonnière
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Les bruits de la bataille s’étaient tus, les cris et les plaintes des blessés avaient cessés peu à peu, la nuit qu’elle découvrait était calme et le temps paraissait comme suspendu. Au travers de la fenêtre ouverte qu’elle pouvait apercevoir en levant les yeux, la lune luisait sur un horizon indistinct et le hurlement lointain d’un animal ajouta à l’irréel du silence. Etendue sur une couche qu’elle ne connaissait pas, Shannon O’Aran, écoutait les bruits qui l’entouraient, le cœur battant. En ouvrant les yeux, elle s’était retrouvée dans cet endroit inconnu, cet endroit calme et solide qui n’était pas le navire qu’elle connaissait si bien, et elle avait eut peur, horriblement peur. De lourds souvenirs de sangs et d’épées qui s’entrechoquaient s’insinuèrent dans son esprit, elle hurla, se levant d’un bond.  Une atroce douleur à l’épaule, la figea, elle chercha de ses doigts la blessure tant redoutée mais ne trouva qu’un solide bandage qui lui comprimait la poitrine. Après un examen plus minutieux elle en trouva deux autres, un sur la cuisse gauche et l’autre contre son flanc droit. Sa tête se mit à lui tourner, comment était-il possible qu’elle fut toujours en vie ? ! Qui avait pris soin d’elle ? Elle laissa ses mains errer sur les vêtements qu’elle portait, eux aussi lui étaient étranger. Il s’agissait d’une sorte de longue chemise blanche qui lui descendait jusqu’aux pieds. Mais ou était-elle ? Qui donc avait pris soin d’elle depuis la bataille navale ? ! Shane ? Sheridan ? ! Un espoir fulgurant lui fit monter les larmes aux yeux, elle fit quelques pas, douloureusement, cherchant désespérément des objets familiers qu’elle ne trouva pas. La pièce, de dimension modeste ne comptait qu’un mobilier sommaire, composé du lit, d’une petite table ronde et de son tabouret ainsi que d’une table de nuit. Il n’y avait aucune source de lumière et la jeune femme sentit sa gorge se serrer. Elle écouta un instant, il y avait un léger bruit de fond venant du bas mais rien d’autre. Elle marcha précautionneusement et a vrai dire avec difficulté, jusque la porte, qu’elle trouva fermée à clef. Par Théus, ou était-elle ? La pièce sentait le moisis et une puissante odeur de fumier montait depuis la fenêtre. Elle s’y dirigeât doucement, consciente de l’état d’extrême faiblesse dans lequel elle se trouvait. Elle prit le tabouret, monta dessus et pu atteindre les barreaux de fer forgés ou elle s’accrocha pour regarder au dehors. L’ouverture donnait sur une petite cour sombre et elle constata avec découragement qu’elle devait se trouver à l’étage du bâtiment, une dizaine de mètres l’a séparait du sol et donc de la liberté. Mais encore eut-il fallut qu’elle puisse se faufiler au travers des barreaux. Elle fronça les sourcils, qu’allait-elle faire ? Il lui fallait sortir de là, et vite.

Regagnant le sol, elle s’assit sur le lit pour réfléchir et rassembler ses souvenirs. Elle ne ressortit qu’un combat sanglais contre un navire Montaginois alors qu’ils voguaient vers Avalon, elle y avait participé activement, elle se souvint avec une étrange netteté, de la cabine du commandant et de ce qui s’y était passé. Elle venait de tuer le commandant du navire puis… puis plus rien. Oh il fallait qu’elle retrouve ses frères, il fallait qu’elle regagne son pays, sa terre ! Le loup, le chien, quoi que ce fut, hurla à nouveau lui glaçant les sangs. Pour la première fois depuis très longtemps, elle se retrouvait seule dans un lieu inconnu, elle se retrouvait seule et meurtrie. Auparavant, il y avait toujours eut un grand frère, un cousin ou bien tout simplement un homme d’équipage pour prendre soin d’elle, ils étaient une famille ces jeunes exilés mais là…

Elle se doutait bien que ce n’était pas ses frères qui l’avaient recueillis, eux ne l’auraient pas abandonnés ici, eux l’aurait veillée toute la nuit avec douceur. Le monde semblait s’écrouler sous ses pieds, elle redevenait la petite fille terrorisée par les Montaginois, en larme et appelant désespérément à l’aide. Elle tenta de chasser les émotions qui se bousculaient dans sa tête mais perdit le combat avec une surprenante facilité. Elle se blottit contre le mur, une couverture pour toute protection et elle laissa les larmes couler, laissant échapper à grosses larmes la tension de ces dernières années, d’un seul coup. Pourquoi le désespoir choisissait-il toujours les moments ou l’on est le plus vulnérable, pour se manifester ! Elle pleura l’injustice, les crimes et le manque parentale qui lui déchirait le cœur, elle avait tant besoin d’affection, besoin d’être rassurée sur le monde, besoin d’entendre dire que la vie était belle et qu’elle n’avait que vingt et un an. Elle voulait bien entendre n’importe quoi, à condition qu’il puisse la rassurer un tant soit peu. «  A l’aide »… sanglota-t-elle désespérée.

Un très long moment passa ainsi, rempli de terreurs et de visions cauchemardesques ou ceux qui l’avaient « capturée » voudraient très certainement la voir au bout d’une corde.

Ce qui la tira de sa torpeur mélancolique, ce fut un léger, très léger bruit derrière la porte, quelque chose qui grinçait sur le plancher de bois et qui se rapprochait. Ce fut comme si la soudaine crise de désespoir n’avait jamais eut lieu, ses yeux se mirent à briller et aussi silencieusement qu’un chat lorsqu’il chasse, elle s’approcha de la porte, aillant saisit le tabouret au passage. Il aperçut une lumière de l’autre coté de la porte et une clef tourna dans la serrure. Retenant ses efforts jusqu’au dernier moment, elle frappa alors que la personne apparaissait dans son champ de vision. Avant que le fille ne touche le sol, elle l’a rattrapa dans ses bras en grimaçant et la tira à l’intérieur. Il s’agissait d’une sorte de servante, ou de domestique, elle ne savait pas très bien, elle n’apportait rien d’autre qu’une chandelle que Shannon réussit à garder allumer miraculeusement. L’avait-on envoyée pour vérifier que la « prisonnière » était éveillée ? Sûrement. Ne s’attardant pas sur ces pensées, Shannon entreprit de déshabiller la servante qui s’en tirait inconsciente avec un gros bleue sur le front mais qui était toujours en vie. Elle revêtit ses vêtements. Sa physionomie n’ayant absolument rien à voir avec celle de la malheureuse, les vêtements certainement un peu trop grands pour la domestique, lui allèrent à elle de justesse. De plus les bandages n’arrangeaient rien. Son allure frisait l’indécence mais c’était bien là, le cadet de ses soucis. Elle dissimula ses longs cheveux clairs sous un morceau de jupon qu’elle avait arrachée pour s’en faire un coiffe rudimentaire et tailla aussi sa chemise de nuit en un châle de la même espèce, afin de couvrir son bandage qui dépassait. Respirant un grand coup, avec difficulté tout de même à cause de l’étroitesse de la robe, elle entreprit de tenter sa chance au dehors.

Le couloir était plongé dans l’obscurité et très long, les odeurs de moisis étaient toujours là et s’ajoutaient de-ci, de-là quelques toiles d’araignées et beaucoup de poussière. Peut-être était-elle dans une sorte de grenier. En marchant, elle était aussi silencieuse que possible et bientôt elle arriva   devant une porte close, à l’extrémité du couloir.  Elle y colla son oreille et écouta attentivement.

Cela ressemblait à plusieurs hommes dans la cale d’un navire, il y avait des rires, des verres qui s’entrechoquaient et de la musique. Mais voilà, elle n’était pas à bord d’un navire, derrière la porte, il y avait autre chose, autre chose que le destin se gardait bien de lui révéler. Elle y trouverait des gens, des étrangers, de la peur aussi mais n’était-ce pas là sa seule chance ? Elle inspira le peu d’air que le corset de sa robe lui permettait et, se convainquant qu’elle passerait inaperçue dans ces vêtements de domestique, elle poussa la porte qui s’ouvrit.

La lumière des torches et du feu de cheminer lui fit mal aux yeux et elle plaça ses mains en visière pour se protéger. Elle se trouvait en haut d’un escalier qui menait à une salle commune, il ne lui fallait passer qu’un petit tournant pour avoir une vision globale de la situation. Elle descendit.

Il y avait du monde dans la pièce qui n’était pourtant pas très grande, plusieurs tables de bois étaient occupées par des joueurs, autour des gens discutaient à voix basse ou plus généreusement. Le sol était couvert de terre battue et de paille, des poulets couraient entre les tables et recevaient des coups de pied. Elle faillit buter sur un ivrogne endormit à même le sol et fit un large détour en voyant la crasse qui lui couvrait le visage. Près de la cheminé, un homme jouait d’un instrument tandis qu’un autre chantait une chanson d’une voix grave. Elle n’avait pas la moindre idée de la langue que tous ces gens utilisaient. Personne ne semblait faire attention à elle, ils avaient tous quelque chose de mieux à faire. Tout à coup, une violante odeur de viande rôtie lui arracha un gémissement, Théus ce qu’elle avait faim ! Depuis combien de temps n’avait-elle rien avalée ? Elle voyait une matrone qui découpait de larges tranches juteuses et dégoulinantes de graisse pour les poser sur un plat de terre cuite, encore fumantes. Elle aurait donnée n’importe quoi pour ne serait ce qu’une petite bouchée de cette viande, elle mourait littéralement de faim et son estomac commençait à se manifester de façon alarmante.

Pour ne pas paraître trop inoccupée, elle attrapa une cruche et un plateau de service et s’approcha d’avantage de la viande rôtie. Elle devait s’en aller, vite, quelqu’un pourrait s’apercevoir qu’elle n’était pas de la maison, d’une minute à l’autre… mais elle ne pouvait se résoudre à regarder ailleurs.

Alors qu’elle s’apprêtait à se saisir d’une tranche de viande, deux mains se posèrent délicatement sur ses épaules ce qui la fit sursauter comme jamais. Une voix murmura prêt de son oreille.

«  Eh bien, le loup sort des bois à cause de son estomac ? »

Elle se retourna vivement et poussa une exclamation de surprise. C’était… c’était l’homme aux yeux gris, celui qu’elle avait vu sur le bateau Montaginois, l’homme aux longs cheveux noirs. Il la regardait d’un air admiratif et lui parla dans sa propre langue. Il était là devant elle et elle ne parvenait plus à faire un geste tant la peur la paralysait. Lui, paraissait jovial, amusé et une petite lueur d’inquiétude brillait dans ses yeux. Il déclara :

«  Une question, qu’avez-vous fait de Maria ? J’espère que la pauvre est toujours en vie ? »

Rassemblant ses esprits, Shannon pris son courage à deux mains et après avoir balancé et la cruche et le plateau sur son interlocuteur, elle s’élança vers la sortie, renversant plusieurs personnes au passage.

Elle se mit à courir comme une enragée aussi vite que lui permettait son corps blessé. Elle courait à l’aveuglette, prenant les chemins les plus sombres et les plus étroits, elle courait pour sa vie, pour échapper à cet homme mystérieux. Son épaule lui faisait mal à en hurler, très vite, du sang imprégna le corset au niveau du ventre. La blessure s’était rouverte ! ! Par Théus elle n’avait pourtant pas le droit de s’accorder une trêve. Que lui voulait cet homme, qui était-il et pourquoi avait-il prit soin d’elle ? ! C’est précisément son identité qu’elle avait cherchée à connaître alors qu’elle était sur le Celtik Queen, c’est pour lui qu’elle avait plongée du haut de la vigie encourant les foudres de ses frères, c’est pour lui qu’elle avait pris cette balle dans la cabine du commandant, la ou elle l’avait trouvé ligoté à une chaise. Nom d’un chien, ce devait être lui le kidnappé !

Une brusque bouffée de colère la fit ralentir, manifestement il voulait discuter sinon pourquoi diable avait-il veillé à sa vie. Elle s’arrêta complètement, reprenant son souffle adossée à un mur, elle pouvait entendre quelqu’un courir derrière elle et elle se dissimula dans l’ombre. Quelques secondes après, un homme se prit au passage, un bon coup de poing dans les dents, elle avait frappée tellement fort qu’elle en avait mal à la main et elle poussa un juron retentissant. L’homme aux yeux gris tituba un instant puis s’écroula au sol. Shannon, incapable de se retenir plus longtemps, cria de douleur, il allait le lui payer ! Son épaule gauche était en sang, son bras droit replié afin de pouvoir utiliser ses griffes au moindre geste brusque. Elle pouvait à peine reprendre son souffle dans ces vêtements trop étroits, elle retourna s’adosser contre le mur, lutant contre la douleur. Son poursuivant ne tarda pas à se relever, la tête entre les mains et finit par croiser son regard. Elle ne perdit pas de temps et l’apostropha d’une voix saccadée.

«  Si tu tiens un tant soit peu à ta vie… maudit Montaginois… ne t’approche… pas de moi ! »

L’homme n’en fit rien et resta à bonne distance, il se contenta de dire.

«  Houu… vous avez une belle droite mademoiselle. »

Il fit quelques pas dans sa direction.

«  N’approche pas ou je te tue ! ! ! »

Il leva les yeux vers elle, ils n’étaient plus séparés que de quelques mètres à peine.

«  Je vous en crois bien capable il est vrai, mais… « Il continuait d’avancer, un sourire désarmant au bout des lèvres, » si nous allions en discuter dans un lieu un peu plus confortable, mmmh ? Je suis certain pour ma part que vous ne refuserez pas un solide repas ainsi qu’un bon bain, n’est ce pas ?

Il avait un accent qu’elle ne connaissait pas, étrangement chantant et doux, aux intonations parfois rauques. Qui pouvait-il être par Théus ! !.

«  Non, pas question, je veux m’en aller ! » Dit-elle de plus en plus péniblement.

Il n’était plus qu’à un mètre d’elle, parfaitement remis.

«  Ca je sais. Mais ce que je ne saisis pas c’est pourquoi vous m’avez attendu ? J’aimerais croire que c’est pour un baiser d’adieu, mais quelque chose me dit que ce n’est pas cela. »

Etait-il fou ?

«  Non, Vous venez avec moi ! ! » déclara-t-elle avec le peu de conviction que son état d’épuisement lui permettait d’afficher.

«  Ah, avec plaisir et ou allons-nous ? »

Il ne comprenait décidément rien,  elle rajouta.

«  Non, vous êtes mon prisonnier ! ! »

«  Ah bon, j’ai de la chance alors, jamais prisonnier n’aura connu de geôlière plus ravissante. Vous pouvez m’infliger toutes les tortures, je suis à vous. C’est d’accord, je vous suit. »

Sourit-il merveilleusement. Cet homme était vraiment magnifique, sa beauté et ses étranges paroles la bouleversait.

«  Ne faites pas l’imbécile…je………. »

Une quinte de toux s’empara d’elle, elle avait de plus en plus de mal à respirer, ce qui semblait beaucoup inquiéter son « prisonnier ». Il avança une main vers elle mais elle recula vers la droite et réussit à déclarer d’une vois entrecoupée de spasmes.

«  Ne vous approchez pas ! ! ! »

Ses blessures étaient horriblement douloureuses et quelque chose n’allait pas tarder à l’obliger à s’asseoir, c’était indiscutable. Lutant une nouvelle fois, elle se récria alors qu’il la prenait dans ses bras…

«  Nooon, Reculez, ne me touchez pas ! ! ! »

Sans l’écouter, il la cala contre lui et murmura tout prêt d’elle.

«  Allons ma chère, un peu de sérieux, vous êtes mourante. Qui plus est, vous venez de ruiner en quelques minutes, des jours de soins attentifs, un travail de longue haleine pour moi. »

Elle chercha vainement à reculer pensant trouver un équilibre ailleurs, mais le résultat fut désastreux.

« Que m’arrive-t-il ……… ? »

Elle s’effondra dans ses bras, il l’a souleva tendrement et murmura attendrit…

« Voilà qui est mieux. ».