Le Celtik Queen
Remonter Introduction Le Celtik Queen Conseil de Guerre Abordage Prisonnière Le Geolier

 

Le soleil se couchait sur la mer de l’écume en ce 14 juin 1660, le Celtik Queen voguait doucement vers l’Avallon. A son bord, 60 marins aguerris, fidèles jusqu’à la mort à leur capitaine. Une bonne brise par le travers et une mer calme, la goélette roulait régulièrement, enfonçant de temps à autre son beaupré, soulevant des gerbes d’embruns. Toutes les voiles portaient, hautes et basses, faisant parfois chavirer les jeunes garçons qui, agrippés aux cordages, guettaient l’horizon. Tout le monde était de la meilleur humeur en cette fin d’après-midi et sur le pont, ceux qui n’avaient rien d’autre à faire, jouaient aux dés, bruyamment, pariant des énormités qu’ils ne possédaient même pas. D’autres encore chantaient doucement, les yeux dans le vague, de vieilles chansons poignantes à propos de famille et de guerre, tout cela accompagné par les cris des goélands qui scrutaient les flots à la recherche de bancs de poissons.

A l’arrière du navire, dans la cabine du capitaine, les dernières épées de soleil filtraient au travers des verres colorés. Une femme chantait elle aussi dans la lumière, toujours une histoire de sang et de guerre.

La cabine de bois clair était confortable et très agréable. Au premier coup d’œil, une quantité impressionnante d’objets « exotiques » attirait le regard. L’énorme tête d’un lion trônait au dessus du bureau du capitaine, souvenir d’un majestueux adversaire. Des tentures aux vives couleurs parlaient de scènes de chasse, il y avait des statues d’ébène, des colliers de bois précieux ainsi que des parchemins en grand nombre. Quelques flacons remplis d’étranges créatures mortes attendaient sur une petite étagère, la mer et les vagues les faisaient s’entrechoquer doucement. Au dehors, un vent tiède se leva et les voiles claquèrent magnifiquement. Les marins sortirent de leur torpeur et s’activèrent, le quartier maître hurlait des ordres aux moussaillons et un bel homme aux cheveux de ténèbres décida qu’il était temps de hisser le drapeau noir.

Le soleil disparut derrière l’horizon, la douce vois se tu… le soir allait tomber et dans peu de temps, dans moins de trois jours, ils seraient de retour chez eux.

Elle jouaient négligemment avec une plume blanche qu’elle avait trouvée sur le pont, un peu plus tôt, la faisant tournoyer entre ses doigts fins, en une danse endiablée. Elle reposait sur la couche du capitaine, féline et sensuelle malgré ses haillons. Dieu combien il l’aimait, jamais de simples mots ne pourraient décrire l’adoration qu’il lui portait.

« As-tu fin, Shannon ? » finit-il par demander, s’arrachant à sa contemplation.

Le soleil était mort à présent mais le ciel gardait cette clarté que ne connaît que la mer et la cabine en était inondée. Le capitaine s’approcha d’elle et s’étira un peu pour ouvrir une petite lucarne qui laissa entrer un vent frais, rempli des promesses de victoire qu’ils espéraient tous. Son regard s’assombrit, incertain.

La belle s’étira et bailla doucement.

«  Shane, pourquoi fais-tu cette tête… ? » Sourit-elle.

Il tenta dans un effort de volonté de chasser ses craintes afin qu’elle ne s’inquiète pas mais c’était trop dur. Il laissa échapper un regard inquiet et il ne lui en fallut pas plus pour comprendre. Son sourire s’était évaporé pour laisser place à un trait serré et a des yeux lançant des éclairs.

«  Shane, je t’interdit d’avoir cette attitude, comment peux-tu ne serait-ce qu’un seul instant, mettre notre victoire en doute ? ! »

Il soupira franchement.

«  Je ne met pas notre victoire en doute, Shannon » déclara-t-il fatigué, » c’est juste que je me demande si les autres doivent vraiment nous accompagner. »

A ses mots, elle parut prête à dévaster la cabine, ses mains tremblaient nerveusement.

«  C’est aussi leur terre, Shane, leur famille et ils sont là de leur plein gré ! Nous n’avons jamais forcés qui que ce soit à retourner vers Avalon, ils sont avec nous car ils en ont besoin, tu n’as absolument rien à te reprocher, tu les as bien menés ! »

Le capitaine sourit sous cape, le cœur gonflé d’espoir, elle était fabuleuse.

«  Je ne veux pas briser tes rêves de conquête et de victoire Shannon, mais crois-tu vraiment que ca sera aussi simple   »

Elle fut devant lui, en un instant.

«  Oui, ce sera simple car nous sommes les meilleurs ! A quoi ont servis à ton avis, toutes ces années d’entraînement acharné ? ! A quoi serviront les trésors d’or et d’argent que nous transportons ? ! Shane nous revenons glorieux de notre malheur et nous distribuerons cette gloire à tous, au nom de la liberté ! »

La jeune femme avait les yeux brillants des fanatiques et elle accompagnait ses dires de milles et un gestes. Lui restait passablement mélancolique, faisant fi de savoir qu'elle détestait vraiment le voir dans cet état.

«  Je t’aime, tu sais » Dit-il.

Elle arqua un sourcil, médusée.

«  Shane ! Ne change pas de sujet ! Moi aussi, je t’aime, c’est normal, mais par légion ca n’a rien à voir ! On en reparlera une autre fois, pour l’instant……… »

Un homme surgit dans la cabine, essoufflé.

«  Capitaine, Capitaine ! ! Sheridan te demande sur le pont, un vaisseau droit devant ! ! ! »

En entendant cela, la jeune femme bondit en bousculant et Shane et le malheureux porteur de la nouvelle qui se retrouve projeté contre le mur d’en face. Elle fila sur le pont.

Il y avait maintenant des bruits de pas précipités, les hommes se ruaient hors des cabines pour scruter l’horizon, accrochés aux cordages. Shane était a son gouvernail, sa longue vue à la main. A ses cotés, se tenait Sheridan, sombre comme la nuit, ses longs cheveux flottant au vent tel un rideau de ténèbres.

«  Travis, ou est Shannon ? » Demanda Shane, préoccupé.

L’homme toussa quelques secondes puis déclara d’un ton mi amusé, mi réprobateur.

«  Là, mon capitaine… »

Shane leva les yeux vers un point sur le grand mat, une silhouette ballottée par les vents faisait de grands signes. Shane jura puis plaçant ses mains en porte voix, il cria…

«  DESCEND ! ! ! »

En guise de réponse, il reçut une malédiction cinglante suivie d’un charabia ou il compris vaguement des «  Laisse moi tranquille » et des « J’sais c’que j’fais ! »

«  Tu devrais pourtant être habitué depuis le temps, capitaine ».

Dit Sheridan nonchalamment, les bras croisés.

Non, il n’y arriverait jamais, pensa le capitaine aux abois.

«  Aaaaah, cette fille me tuera ! ! »

Travis Richmond, quartier maître à bord du Celtik Queen depuis ses débuts, contemplait la frêle silhouette perchée tout en haut du grand mat. De longs cheveux flottaient au vent, ajoutant à l’étrangeté du spectacle… Il connaissait Shannon et savait que rien ne pouvait l’arrêter lorsqu’elle décidait de quelque chose, même pas ses frères ou plutôt, surtout pas ses frères. Quoique en ce qui concernait Sheridan, il y avait matière à discussion. Il avait pour ces jeunes fous un profond respect, il n’ignorait rien de leur sombre passé et jamais il n’avait été aussi fier de qui que ce soit. Ces petits avaient au fond du cœur, un courage inébranlable.

«  Elle a pas froid aux yeux, votre sirène, capitaine » Ajouta-t-il sans cesser de fixer Shannon qui s’accrochait aux cordages avec une insouciance qui frisait la démence. 

« Quel bel oriflamme, tu devrais songer à la laisser là-haut Shane, ne trouves-tu pas que ses cheveux font un superbe étendard ? Elle ferait à coup sur, fuir tous les pirates du coin ! »

Shane était sur le point d’exploser.

«  Sheridan, je te prierais de ne plus dire ce genre de choses, tu sais très bien que je ne rigole pas ! Elle me tuera, elle me tuera… »

Sheridan éclatât d’un superbe rire.

«  Tu es trop sensible, mon frère, laisse la s’amuser. »

A présent tout l’équipage était sur le pont, s’activant à parer une éventuelle attaque. Le bâtiment était assez éloigné et portait pavillon de commerce mais aussi fallait-il s’en assurer. Le capitaine lança des ordres et le Celtik Queen fut orienté de deux quarts plus près du vent afin de se rapprocher.

«  Et maintenant messieurs », Dit Shane qui avait réunit quelques-uns de ses « officiers » pour la décision à prendre, « quelqu’un a-t-il la moindre suggestion sur ce que nous allons faire de cette histoire ? »

Un homme déclara.

«  Capitaine, un navire si proche des côtes ne peut-être qu’un marchand, il ne s’éloignent jamais trop vous savez. »

Un autre reprit.

«  C’est possible mon capitaine, mais il peut très bien s‘agir d’une ruse, peut-être même d’une garnison qui voudrait voyager incognito. Nous sommes au large de la Montaigne d’après les instruments et il se pourrait que nous ayons à faire a des ennemis. »

Shane, pensif, déclara…

«  Toi tu penses donc que c’est un navire Montaginois. »

«  Oui mon capitaine ».

«  Et toi ? » Dit Shane en désignant le premier qui avait prit la parole.

«  Je ne saurais dire, mon capitaine, d’après la forme du navire, il est castillan, mais la Castille est occupée donc, il peut très bien s‘agir d’un Montaginois. »

« Mmmh, d’autres avis ? Quartier-maître ? »

«  Non, capitaine, je suis d’accord avec Peter et James, pour être sur, nous n’avons qu’à attendre d’être un peu plus prêts. »

Shane, toujours songeur se tourna vers Sheridan.

«  Ton avis ? »

Ce dernier sourit imperceptiblement et déclara de sa belle voix calme.

«  Tu le sauras d’ici quelques instants ».

Devant cette réponse quelque peu énigmatique, Shane reprit.

«  Messieurs, c’est juste, pas de conclusions hâtive. Richmond, préparez tout de même les canons. Si notre pavillon ne les arrête pas, eux leur donneront à réfléchir. Allez tous… »

Avant qu’il n’eut achevé sa phrase, une Shannon rougie par les vents débarqua, essoufflée au milieu du groupe.

« Shane, Sheridan ! ! Mais qu’est ce que vous attendez pour faire feu ! Ce sont des Montaginois que nous avons devant nous ! ! ! »

Le spectacle qu’elle avait devant elle aurait été des plus risible en d’autres circonstances, ils avaient tous, exception faite de Sheridan qui souriait doucement derrière ses cheveux noirs, des bouches O.

«  Des Montaginois ! ! ! Réagissez bon dieu ! On dirait une rangée de statues mal taillées !

Ces derniers mots eurent enfin l’effet escompté, tous se dispersèrent pour aller scruter le navire d’en face. Shane attrapa Shannon par le bras en cherchant Sheridan du regard et l’emmena à l’écart, les sourcils froncés.

«  Shannon ! ! ! Pourquoi… ! Pourquoi ? ? ?… »

«  Ah j’ai compris, tu es frustré de t’être fait réprimandé devant tes hommes c’est ca ? De plus pour souligner ta crise de flegme ! Par Dieu, Shane, on aurait dit une réunion de vieux amis ! Là, devant, il y a un vaisseau Montaginois ! ! ! »

Le capitaine leva les yeux au ciel avant d’exploser.

«  Shannon, mais comment Diable le sais-tu ! ! ! ? Il fait nuit et de plus aucun pavillon Montaginois n’est hissé sur ce bateau, a ce que je sache ! »

Elle eut un coup d’œil canaille à l’égard de Sheridan et revenant à Shane, poursuivit.

«  Fait œuvre de patience, mon frère. Eh bien figure toi qu’on voit pas mal, de chose en haut du grand mat, sauf ton respect, mon capitaine, tu devrais vraiment songer à y mettre quelqu’un à plein temps. Clint par exemple, ca lui enlèvera ses envies de torturer si gentiment les jeunes mousses qui ont encore peur du vide ! »

« SHANNON ! ! ! ! »

«  OH NE CRIS PAS ! J’ai de très bons yeux et si en plus j’ai la possibilité d’avoir la longue vue de Sheridan à porté de la main, rien ne m’échappe. C’est un vaisseau marchand pour le spectacle, j’ai bien vue des officiers Montaginois sur la dunette, ils se cachaient mais j’ai l’œil ! Ils n’ont pas l’air très nombreux, ca va être facile, on va les écraser comme un rien. »

Alors que Shane tentait désespérément de réunir des esprits, un détail lui fit d’urgence reprendre le fil de l’histoire. Au même moment, deux hommes firent irruption sur le pont en demandant à parler au capitaine, d’urgence.

«  DEUX MINUTES ! !….. Comment ca, ca va être facile ? ! ! Parce que tu crois peut-être que tu vas être de la partie ? ! ! ! »

Elle le regarda, méchamment surprise, prise au dépourvus.

«  Mais il est évident que je vais être de la partie, à qui crois-tu avoir à faire ? ! ! »

« Jamais d’la vie, tu iras dans la cabine et…. »

Elle répliqua d’un ton farouche.

«  Tu es fou, Shane, moi, aller me cacher comme… comme une femme ! ! ? »

Un petit rire secoua l’assistance mais le regard qu’elle leur lança les figeat net. Il aurait gelé n’importe quel charbon ardent.

«  Je veux me battre, Shane, il est hors de question que je me laisse mettre de coté devant la promesse d’une belle bataille. Ce sont les premiers Montaginois que nous trouvons sur notre route, je n’y tiens plus ! ! Ca fait des semaines que nous rêvons d’une telle situation et au moment ou ca arrive enfin, tu voudrais m’empêcher d’en être ? ! »

«  Tu es folle, jamais je ne te laisserais risquer ta vie ! ! »

Les deux hommes, habitués à de tels règlements de compte entre les deux jeunes gens, furent néanmoins ravis de trouver un prétexte pour s’en aller.

«  Heu capitaine, c’était pas si urgent que ca… »

«  Shane laisse moi finir ! ! »

«  Non, tu vas te calmer et regagner la cabine ! ! ! »

Elle écumait de rage.

«  Ne me provoque pas, Shane, tu es peut-être le seul maître à bord après Sheridan et Dieu mais moi, « moi », tu entends, je n’ai pas d’ordres à recevoir de toi ! Et ne me menace pas, car tu sais très bien de quoi je suis capable, je vais me battre et je ne veux plus en discuter ! »

Elle le planta là, à moitié fou de rage. Il s’était encore laissé manœuvré.

L’équipage du Celtik Queen était dans un état d’extrême excitation, les hommes chantaient à plein poumons des hymnes de victoire et de liberté, après des semaines d’espoir et de retenue, tout le monde était prêt à donner le meilleur de lui-même dans un combat magistral qui ferait couler le sang et teinterait la mer de rouge comme dans les légendes de leur enfance.