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Points de vue, quatrième partie : Etienne D’Argeneau
Etienne D’Argeneau a perdu le compte des jours et des nuits. En s’arrêtant
le moins possible, ils ont traversé plus de la moitié d’Eisen, avant de
longs jours sur les terres Vodaccis au nord de St Baldarezzo. Ses os le font
souffrir, tandis qu’un voile froid semble petit à petit se répandre sur son
corps. Quand il entend un de ses jeunes garde annoncer l’arrivée, il n’a
plus le cœur à s’en réjouir. Alors il prie Théus, pour Le remercier de la
vie qu’Il lui a offerte, et pour Le prier de l’accueillir dans Son Royaume.
Même ici, dans le confort du monastère, le moindre mouvement lui
arrache une fatigue indicible. La douleur a presque disparu, mais il se sent
lentement faiblir, malgré les soins que lui prodiguent jours et nuit les
moines. Il dors beaucoup, inconscient du temps qui passe. Depuis combien de
temps est-il à St Baldarezzo ? Une heure, un jour, dix ? Il n’en
sais rien. Mais aujourd’hui, il a trouvé dans sa chambre quelqu’un qu’il
reconnaît. La chevelure blonde et le visage parfait mais grave d’Erika
Durkheim le scrute intensément. - Erika… C’est aimable à vous d’être venue me voir… Dites-moi… Que ce passe-t-il au Concile… - Ne parler pas trop, votre Eminence. Je m’en veux de vous avoir fait faire tout ce voyage, et je m’en voudrais encore plus si mon acharnement vous épuisait plus avant. Les huit autres sont toujours ici. Maintenant que nous sommes tous réunis, nul ne peut se permettre de partir. Mais le temps joue néanmoins contre nous. - Et… l’élection ? - Elle ne peut se faire sans vous, Eminence. Mais dans votre état, cela vous tuerai. Je doit vous laisser, le Concile m’attend. Vos pairs vous envoient leur bénédictions, et les moines de St Baldarezzo ne cesse de prier pour votre guérison. - Erika… A mon âge, il est des choses dont on ne guéri plus… -
Puisse Théus vous en donner la force et la volonté. Avant qu’elle ai quitté la
petite pièce, D’Argeneau dort à nouveau profondément. Plus tard, il ne sais
au juste quand, Durkheim est à nouveau dans la pièce. - Le Concile vous propose une chose : nous pouvons faire l’élection par acclamation ici même, dans votre chambre. - Comment leur avez vous arraché cela… -
Je ne leur ai rien arraché du tout, je suis même contre l’idée. Une
telle agitation pourrait avoir raison de vos dernières forces. Et c’est bien ce que certains
espèrent, pense Durkheim. Car alors, il faudrait un nouveau délai et de
nombreuses réunion pour réélire un Cardinal de Montaigne, avec des évêques
morts, en exil ou soumis à la volonté de L’Empereur… Cela pourrait mettre
des mois, ou des années… Le Cardinal sur lequel le choix du Concile s’est
arrêté pourrait bien avoir un règne plus que court. -
Dites leur que j’accepte, … Je… les attends… Dans un discret bruissement de
robes, huit personnages font alors leur entrée dans la chambre. D’Argeneau ne
sait plus s’il est encore sur terre ou si ces personnage en grande tenue sont
les anges de Théus venu l’accueillir en Son Royaume. Une voix unanime
et vibrante résonne dans la chambre… -
Elictis Sanctem… Un voile noir submerge D’Argeneau avant qu’il puisse entendre la suite, mais un fin sourire se dessine sur ses lèvres. |