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Epilogue : Le HiérophanteDe nombreuses années ont passés, mais le Hiérophante se rappelle de ces journées comme si elles dataient d’hier. En ce chaud mois d’Augustus 1679, Etienne D’Argeneau entame sa huitième année en tant que guide de la communauté des Vaticines. Peut-être sera-ce sa dernière, il a plus de 80 ans. Mais après tout, on le donnait déjà pour mourant avant même son élection. Huit années de travail acharné, de luttes incessantes, de succès, avec la restriction des pouvoirs de l’Inquisition et de défaites bien sûr. Huit années de joies, avec la fin de la guerre entre Castille et Montaigne, de peine avec notamment en 1675 la mort de Teodoro De La Ciosa, « Le meilleur d’entre nous », comme disait malicieusement Matéo Aznar. Lui qui fut élu pour quinze jours, pour permettre à ses Pairs d’alors un délai que certains souhaitaient ardemment, mène son troupeau d’une main agile depuis maintenant des années, malgré des problèmes théologiques aigus, entre le mouvement Objectionniste en plein expansion, les questions suscitées par les découvertes des civilisations Syrneth, et celles liées aux populations de l’Outremer. Certains disent même qu’il n’a jamais été aussi en forme. D’Argenau sourit à ces souvenirs, ainsi qu’a celui d’Erika Durkeim. Elle reste une énigme pour lui, mais c’est à elle qu’il doit le plus cette lourde charge… L’avait-elle prévu ? Voulu ? Plusieurs fois, il a hésité à lui poser la question. Mais l’Eisenor fut toujours très secrète. Et jamais ce point n’est intervenu dans leurs discussions. Et qui aurait pu croire que Théus lui donnerai une telle force ? Il n’a que peu d’intérêt pour ce que l’Histoire retiendra de lui. Les commentaires qu’il a lu ou entendu sont plus que variés. Plus que tout, il fut un homme de compromis. Entre les positions idéalistes de De La Ciosa, et le fanatisme de Verdugo, entre le modernisme de Durkeim et le conservatisme d’autres, entre les paroles de Prophètes et la réalité des hommes de son époque. Parce qu’il a hérité d’une position pour laquelle il ne s’est que peu ou pas battu, et qu’il ne convoitait pas, il n’eu aucune faveur à récompenser, aucune influence à renvoyer. Il n’a probablement contenté personne, mais il n’a pas gravement mécontenté qui que ce soit… Ses détracteurs ont de lui l’image d’un homme faible, indécis et trop peu rigoureux. Ses supporters y voient un homme de son temps, et un des politiciens les plus habiles de l’époque, ainsi qu’un théologien hors norme. Plus modeste, la vérité est probablement entre les deux. |