La Vengeance
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            Les semaines ont passés, et pourtant Ernstner se souvient de chaque moment de sa mortelle équipée derrière le « Monstre de Bruhausen ». Mais bien plus que de la créature qui a failli le tuer, il se souvient du ton arrogant du Chasseur, celui par lequel tout cela est arrivé. Pendant des jours, il a déliré, entre la vie et la mort, appelant Légion contre son tourmenteur. Mais petit à petit, Ernstner s’est remis. Il a toujours été solide, et s’il portera pour toujours la marque de cette nuit là, ses blessures se sont refermée. Et le voilà parti pour une nouvelle traque, mais celle-ci, il ne l’a fait pas pour de l’argent, mais pour son compte personnel. Et sa proie, pour toute dangereuse qu’elle soit, n’est pas issu des ténèbres du SchwarzenWald, mais probablement d’une famille tranquille d’un coin quelconque d’Eisen. Accompagné de quatre de ses vieux compagnons, tous aguerris aux armes, Ernstner est venu chercher Helmut Jager. Et des rumeurs indiquent qu’il se serait arrêté non loin.

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            Le Chasseur se situe en effet encore bien plus près que ne le pense Ernstner. Allongé sur une paillasse, il se repose pour quelques heures avant de reprendre sa route, lorsqu’on vient frapper nerveusement à sa porte. Sautant sur ses pieds, l’homme aux yeux jaunes ouvre lentement la porte, pour découvrir un des enfants du village, l’air fort excité :

-         Mein Herr, des hommes en armes sont arrivés, ils disent qu’ils vous cherchent.

-         Ou ? Combien ? A quoi ressemblent-ils.

-         Ils sont quatre, Mein Herr, plus un qui est resté avec les chevaux, et ils sont lourdement armés. Leur chef a une énorme balafre sur tout le côté gauche du visage et semble très énervé.

-         Bien, petit, merci beaucoup. Voilà pour toi, rentre chez toi et ne dit rien à personne.

La voix du Chasseur n’a pas monté de la discussion, et il renvoie le gamin avec une pièce et un ton apaisant. Sitôt l’enfant disparu, il emballe ses modestes affaires, avant de sauter lestement par la fenêtre. Le groupe se rapproche déjà de la maison. Prenant un instant pour fixer correctement son épée et son sac, Jager se met à courir le long de l’arrière des maisons. Un cri retenti derrière, mais il ne se retourne pas. Seul face à cinq hommes, il n’a pas une seule chance, et encore moins s’il s’agit de combattants doués. Enfin, il arrive dans le haut du village, où son cheval l’attend encore. Dans une vingtaine de mètres, il sera sauf. Mais a cet instant retentissent les sabots d’un cheval, probablement l’homme de l’arrière, qui aura eu le temps de monter. Le cavalier parvient à sa hauteur quelques mètres avant le but, tendant sa lourde épée dans la direction du Chasseur. Devant la menace, Jager a ralenti, presque au pas.

-         Arrêtez vous, Jager. Cela ne sert à rien.

-         D’autres que vous me l’on dit. Et ils se sont trompés… Vous ne me tenez pas encore.

D’un mouvement étonnant pour son âge, Jager fonce devant le cheval baissant la tête instinctivement pour éviter le coup, et ouvrant d’un coup de poignard rapide la gorge du cheval. Sans un regard, il saute en selle et éperonne, laissant son adversaire récupérer de sa chute. Il n’a même pas réfléchi. Comme toujours, ses instincts ont repris le dessus, ceux-là même qui l’on sauvé il y a si longtemps déjà. Mais la partie est loin d’être finie, et est plutôt mal engagée. Ses poursuivant sont nombreux, déterminés et efficace. Alors qu’il part au galop, son esprit tourne à toute vitesse. Il est peu probable qu’il puisse en vaincre même un en face, et il en sortirait très certainement grièvement blessé. Il s’agit de trouver autre chose, tout en les laissant croire qu’ils contrôlent la traque. Ernstner est meilleur qu’il ne le pensait. Mais il apprendra peut-être que la proie n’est pas forcément celui qui fuit.

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-         Les cendres sont encore chaudes. Il a tout au plus six heures d’avance sur nous.

-         Soit trois de moins qu’hier. Faites attention. Il doit se douter que nous nous rapprochons, et le désespoir peut pousser à des mouvements imprévisibles. Restons bien groupés. En route !

Ragaillardis par la  nouvelle, les cinq cavaliers se remettent rapidement en route. Voilà quatre jours qu’ils traquent Jager, qui a plusieurs fois utilisé sa connaissance du terrain pour reprendre de l’avance. Mais le voici désormais coincé entre le ScharzenWald et ses poursuivants. Il ne pourra plus aller très loin, d’autant que son cheval montre de clairs signes de fatigue. Quelques heures supplémentaires les mènent sur un plateau caillouteux, où ils cheminent en file indienne, ne trouvant qu’un ou deux rare point d’eau pour faire boire les chevaux. Inexorablement, la silhouette de la plus maudite des forêts grandis, jusqu’à occuper tout un horizon. Ernstner se prépare a trouver un endroit pour la nuit, quand un de ses hommes pointe l’index au loin. A la limite de leur champs de vision, on distingue de manière intermittente un homme a pied, progressant d’un pas soutenu vers le SchwarzenWald.

-         Pas de temps à perdre ! Dans moins d’une demi-heure, nous pouvons être sur lui !

Les hommes éperonnent, et partent au trot dans la nuit tombante. Alors qu’ils avancent, ils aperçoivent un instant le corps d’un cheval, couché contre le sol. Jager est maintenant bien visible, et continue sa progression légèrement hésitant. Le plateau devant lui devient en effet une pente herbeuse assez douce, sur laquelle les chevaux de ses poursuivants pourront donner toute leur puissance. Après un regard en arrière, il continue sa progression.

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Un pas, encore un autre, un saut à gauche d’une pierre à l’autre, Jager tente de se concentrer entièrement sur sa progression, même s’il sait le groupe proche. Le plus important est d’arriver à la plaine avec suffisamment d’avance pour les pousser à la faute. La nuit est pratiquement tombée, ce qui devrait simplifier les choses. Et il faudra bien que cela marche, car Ersntner semble avoir compensé en détermination ce qui lui manquait en expérience. Force est de constaté qu’il n’est tombé dans aucun des gros pièges que lui a laissé le Chasseur, et qu’il a soigneusement évité les puits empoisonnés et les précipices vicieux. Même sur son propre terrain, il semble avoir trouvé un adversaire à sa mesure. Mais cette nuit, l’un des deux triomphera de l’autre. Il ressent à nouveau ce léger tremblement, tandis que les instincts du Chasseur reprennent le dessus, alors qu’il arrive enfin sur la plaine, avec à peine une trentaine de mètres d’avance sur ses poursuivants.

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-         Enfin ! Au galop !

Les hommes de Ersntner chargent, celui-ci légèrement derrière eux. Il ne peut s’empêcher d’avoir un mauvais sentiment. Malgré les obstacles, nombreux et terribles, que le Chasseur a déjà dressé sur leur route, il ne peut suppose qu’il en reste au moins un. Légèrement à la traîne, il a fait également accélérer son cheval. Ses hommes sont maintenant à moins de vingt mètres, quinze, dix… Jager s’est pratiquement arrêté, comme s’il les attendaient. Hans veut hurler un avertissement, mais il est bien trop tard, et il le sait. Quelque ne va pas. L’instant d’après, il voit les chevaux de ses compagnons ruer et se cabrer, jetant leurs cavaliers à terre. Jager lui, s’est remis à courir, mais de côté, comme pour contourner le groupe immobilisé. Hans avance calmement vers le Chasseur, évitant les multiples pièges à chevaux disposés par ce dernier sur la plein. Reste une seul question : sans cheval, comment a-t-il pu avoir le temps de préparer une telle scène ? Se rapprochant mètre après mètre, Hans tente de se mettre à la place du Chasseur. Un détail lui échappe. Regardant la trajectoire de sa cible, Hans sourit, sortant son arme. Voilà donc ce vers quoi cours Jager : ni plus ni moins que son cheval, qu’il a simplement couché. 

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Le Chasseur a rapidement fait le point de la situation. Certes, le groupe des poursuivant à perdu les quatre cinquième de sa force. Mais le dernier est encore largement capable de l’avoir. Et il semble avoir compris pour le cheval. Tâtant sa poche, le Chasseur vérifie la présence de sa torche et de son briquet, avant de rejoindre son cheval.

-         Allons, Ernstner, vous êtes meilleur que je ne pensais. D’homme à homme, maintenant, l’un de nous ne finira pas cette nuit !

Une fois monté, Jager s’enduit les mains de graisse, avant de sortir de son sac de selle un sac de petit bois. Avec la plus grande précaution, il allume la torche, et fait obliquer son cheval vers la lisière même du ScharwenWald. Sa meilleure arme, c’est encore Eisen, et c’est sans nulle doute elle qui tranchera.

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Ernstner a suivi sans mal le Chasseur jusqu’au abords même du SchwarzenWald, craignant un instant que sa proie ne s’avise d’y entrer. Rassuré, il la voit contourner le bois au grand galop. Hans modère son allure, gardant sa cible en vue, mais suffisamment aux aguets. C’est pourquoi, quand il voit un paquet s’enflammer, il tiens fermement son cheval, et fait bondir celui ci autour du brasier, se bouchant le nez au passage pour éviter les fumée. Il n’a même pas perdu Jager de vue, et l’apostrophe :

-         C’est tout ce que vous savez faire ? Que pensiez vous avoir ? Tôt ou tard, vous serez à court de surprises, et nous verrons alors lequel de nous est le plus fort.

La réponse lui parvient peu après, alors que les deux cavalier filent toujours

-         Vous avez raison, Mein Herr, je suis à court de « trucs ». Mais ce dernier était tout ce dont j’avais besoin. Vous ne passerez pas la nuit.

En d’autres circonstances, Ernstner aurait ri devant une telle tirade. Mais le ton de son interlocuteur est exactement le même que celui lors de leur première rencontre, quand le Chasseur lui avait dit qu’il faisait une erreur. L’homme n’a rien d’un vantard, et Hans sent en lui un crainte sourde… Il a déjà eu raison une fois, pourquoi pas deux ? La nuit ne lui a jamais semblé aussi noire, tandis qu’une odeur de bois brûlé, fort odorante semble flotter dans l’atmosphère.