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Corantine, Koningreï de Fischler Le village en bordure de la route est calme, comme beaucoup d’autres dans la région. Le cavalier fait progresser sa monture haletante vers le seul bâtiment d’importance de l’endroit, avant d’atteler son cheval, sous les regards discrets de quelques enfants du villages. Se dégourdissant quelque peu après une longue journée de cheval, il entre d’un pas hésitant dans l’auberge. A l’intérieur, une dizaine de personnes, des bauers pour l’essentiel, discutent à voix mesurée, jetant un simple coup d’œil dans sa direction. Contemplant la salle, l’homme perçoit toute la distance qu’il y a entre eux et lui. Ses vêtements de voyages sont poussiéreux et sales, mais de bonne facture, et le destrier qu’il monte n’a rien à voir avec les lourd chevaux employés aux labours. Il n’a même pas pris la peine de rabattre son écusson, et le soleil d’or sur fond bleu est bien connu même du peuple. S’approchant du tavernier, il s’éclairci la voix avant de parler dans un Eisen lent mais sur. - Bonsoir, mein Herr. Je voudrais une chambre, ainsi qu’à manger pour moi et mon cheval. - Certainement, je vous fait amener cela tout de suite. Le montaginois s’assied, et se met à manger mécaniquement, faisant le point sur sa mission. L’homme qu’on lui a demandé de retrouver porterais actuellement le nom d’Helmut Jager, un nom d’emprunt de manière quasi certaine (Note de l’auteur : « Jager » : « Chasseur »). Et aurait été aperçu dans les environs. Si l’homme semble être un maître de discrétion, ses yeux aux pupilles jaunes marquent tous ceux qui le rencontre, et il ne semble guère volontaire de se cacher. Malgré cela, personne ne semble connaître quoique ce soit à son sujet. Terminant son assiette, il hèle le tavernier. - Mein Herr, connaîtriez-vous dans la région un homme nommé Helmut Jager ? - Helmut Jager ? De toute évidence surpris, le tavernier a parlé un rien trop fort… La moitié de la salle s’est arrêtée de parler, tandis qu’on s’est mit à murmurer à voix basse, avec un respect mêlé de crainte. - Helmut Jager… Le Chasseur… L’enfant de Standlauhsen… Le montaginois écoute, mais ne peut en saisir plus. Il retourne son attention sur le tavernier, faisant tourner dans ses mains quelques guilders. - Alors ? - Euh… Oui, Mein Herr, Herr Jager est bien connu, ici, si toutefois nous parlons bien du même, bien sur. Jager est un nom assez courant, dans la région… - Celui que je recherche l’a mérité mille fois. Et il a les yeux presque jaunes, dit-on. - Ah, oui, c’est bien lui, Mein Herr. - Alors ? Que savez vous de lui ? Où puis-je le trouver ? - C’est que, Mein Herr, Herr Jager est quelqu’un de très solitaire, qui n’aime pas trop la compagnie, et de fort dangereux également… - Dangereux ? Autant que je sache, il doit avoir entre quarante et cinquante ans. Pourquoi est-il dangereux ? Plusieurs personnes se sont rapprochés de la table, et les histoires et rumeurs sur Jager fusent dans tous les sens. Faisant tant bien que mal le tri entre les fabulation et les information crédible, le montaginois commence petit à petit à se faire une idée de l’homme. Après avoir payé généreusement le tavernier et fait circuler plusieurs tournée, il se retire dans sa chambre pour écrire un premier rapport sur la personne pour qui on l’a envoyé jusqu’en Eisen. Au bout d’une heure de travail intense, il contemple satisfait sa lettre : « A Son Altesse l’Empereur Léon Alexandre XIV, Votre Grandeur, mettant la plus grande célérité dans la mission que vous m’avez confiée, j’ai réuni en ce sixième jour du mois de Corantine 1668 quelques information qui j’espère vous agréeront. Helmut Jager, quelque soit son nom réel, semble originaire du Koningrei de Fischler, du village de Standlhausen, qui n’existe plus sur aucune carte pour une raison très simple : il a été rasé par les forces Vaticines dans les premiers jours de la Guerre de La Croix, début 1636. Il semble que Jager, alors âgé de douze ou treize ans, ai été présent durant le raid, dans lequel le reste du village a été tué. L’enfant s’était caché dans une grange, et n’en est sorti en hurlant que quand il a vu son père se faire abattre. Le chef des assaillants, un mercenaire dont je n’ai pu déterminer l’identité, trouva alors amusant de lâcher Jager dans une des forêts proches, lui laissant une heure avant de se lancer à sa poursuite avec trois de ses hommes, lui promettant la vie sauve pour lui et sa mère s’il leur échappait plus d’un jour. Le reste est plus que confus, et je prierai Son Altesse de prendre ces informations pour ce qu’elles sont : des hypothèses. L’enfant partit en courant, terrorisé. Dans sa course effrénée, il revint un moment vers le village, pour constater que la compagnie de mercenaire était occuper à allumer un grand brasier, poussant les derniers survivants du village dans les flamme. Rendu fou par la colère, et avisant l’un de ses poursuivant à cheval sur un sentier proche, il attendit celui-ci, et frappa de toute ses forces les pattes avant du cheval avec un solide bâton. Le cheval rua, et précipita son cavalier à terre. Quand le Capitaine Mercenaire arriva, il trouva le corps disloqué de son second, et l’enfant en fuite. Jurant, il se promis de lui faire payer. La conclusion de la poursuite est encore plus étrange. Sans témoins excepté Jager lui même, personne ne saura sans doute jamais ce qu’il s’est passé cette nuit là. Mais jamais le Capitaine ni ses deux autres hommes ne sont ressortis des bois de Standlhausen. Quand à Jager, il a rejoint la famille de sa tante, dans un village à plus de cent vingt miles, marchant durant plus de dix jours dans la neige, évitant les patrouilles diverses. Si je me suis permis d’exposer tout ceci à Sa Majesté, c’est que ces éléments me semblent important pour cerner Jager. Depuis, l’homme est connu comme un solitaire, un survivant, un homme revenu de tout. Chasseur hors pair, il traque les créatures hantant les bois du ScharzenWald, mais certains disent qu’il ne se limite pas aux monstres. Un Chasseur de Monstre des l’école de Gelingen, Hans Erstner, semble l’avoir rencontré récemment. Je ferais parvenir un courrier à Votre Majesté dès que j’en saurais plus. Je reste Votre loyal serviteur, Bertrand Talbot, Eclaireur du Troisème Régiment, Quatrième Armée, Détaché pour mission spéciale en Eisen » La missive roulée dans un étui, Talbot se jette sur la paillasse servant de lit, pour prendre quelques heures de sommeil avant le passage du messager. D’autant, pense-t-il, que je ne pourrais probablement plus dormir après… ******************* Il fait nuit noire quand Talbot se réveille, avec comme une boule au creux de l’estomac. La pièce semble irradier d’une très légère lueur bleutée. Talbot s’est assis sur le bord du lit, et de lointains cris se font entendre. Fermant les yeux compulsivement, l’éclaireur sent la luminosité augmenter, les cris devenirs plus clairs, plus déchirants. Pris de malaise, il se lève d’un pas tremblant. Au milieu de la salle, un cercle bleuté et ondoyant augment rapidement en taille. Dans ses reflets, il lui semble apercevoir des visages affreusement déformés. Incapable de détacher son regard du portail, Talbot déglutit douloureusement, attendant les signes de l’ouverture. Ceux-ci ne tardent pas, comme deux mains en train de tirer tant et plus sur ses organes. Enfin, une main couverte de sang apparaît au milieu du cercle, portant un document vierge, exceptée de petites taches brunes. Aussi vite que possible, Tablot prend la feuille, et dépose dans la paume ouverte l’étui contenant sa lettre. La main rentre alors dans le portail, qui diminue rapidement avant de disparaître quelques secondes plus tard. En sueur et haletant, Talbot s’est rassis sur le lit, cherchant maladroitement à mettre sa chemise. - Je ne m’y ferais jamais… Théus, ai pitié, que je puisse rentrer chez moi… |