Le Chasseur
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            Abords du Schwarzwald, un mois avant

            Un mouvement furtif entre deux arbres fait immédiatement réagir Hans. Esquissant un mouvement du bras vers l’avant, il glisse à ses compagnons :

-         Ulrich et Felix sont en place, en avant, en avant ! Et faites attention, il ne doit plus être loin maintenant.

Les trois hommes, armes en main, sortent précautionneusement des fourrés, avant de parcourir rapidement la distance vers un nouvel abri. Il n’est pas encore six heure, mais la luminosité, déjà faible en temps normal, baisse rapidement dans la lisère de la plus noire des forêts d’Eisen. Un nouveau signe à gauche les avertis que la voie est libre, couverte par les arbalètes de deux autres membre du groupe. Au total, ils sont près d’une dizaine lancé dans la traque commencée quelque jours plus tôt à Brunhausen. La créature qu’ils recherchent a tué plusieurs villageois, ainsi que deux des quatre gardes venus régler le problème. Ce n’est qu’à ce moment que Hans Erstner et son groupe sont intervenus, grassement payés pour mettre fin aux agissements de la bête. En vrais professionnels, méprisés mais efficaces, ils l’ont pistée des jours durant, jusqu’à ce petit bois sombre. Hans souhaitait y arriver un pleine journée, mais la bête s’est révélée plus rusée que prévu. D’ici une heure tout au plus, il fera nuit noire. Mais c’est plus qu’il n’en faut, ils ne sont probablement plus qu’à quelques mètres à peine. Plus excité qu’apeuré, Hans ressert son emprise sur son arme, et progresse lentement, tous ses sens en éveil. C’est ici que toute leur préparation voit sa concrétisation, et que les choses… Soudain, un craquement infime se fait entendre. Hans, d’un mouvement, s’est contracté et tourné dans la direction du danger. Ses compagnons l’imitent avec un temps de retard. Un hurlement bestial déchire la nuit, bientôt suivi d’un horrible craquement, et des cris d’un homme blessé. Les imbéciles ! songe Hans. Les membres de l’aile de droite, inattentifs, se sont laissés surprendre, et le groupe de poursuivant est maintenant fort mal placé. Un silhouette noire de près de deux mètres est visible entre deux arbres, le corps disloqué de Félix entre ses immenses griffes. Trop tard pour lui. La bête s’est tournée, et semble avoir aperçu le groupe central. Hans fait un signe à ses compagnons, avant d’avancer d’un pas, provoquant le chargement de la bête. Il se mord la lèvre. Pendant quelques instants cruciaux, ils ne seront que trois devant la férocité de la créature. Mais avec toute leur force, les monstres d’Eisen sont peu intelligents dans leurs attaques. Hans attend la créature de pied ferme, près à esquiver l’attaque initiale pour la laisser au beau milieu du groupe. Il se tend, se prépare à bondir, pour voir le monstre faire un écart de dernière minute, griffant sauvagement son homme de gauche, avant de repartir dans les fourrés. Les choses tournent à l’aigre. Tous ensemble, ils sont largement capables. Mais isolés les uns des autres, avec deux hommes sur le carreau, les jeux deviennent beaucoup plus égaux. Beaucoup trop égaux… Le temps n’est plus à la réflexion. D’un geste large, Hans lance tout le groupe derrière la bête. Tant qu’elle court, la suivre est facile, et toute attaque surprise impossible.

La course haletante se poursuit. Les bris de branches indiquent plus que clairement la piste de la bête, et même sa distance. Inexorablement, le groupe gagne, jouant sur son nombre pour gagner du temps. Dans quelques mètres, ils seront à portée. Déjà, un des membre a chargé son arbalète, près à faire trébucher le monstre dès que possible. Un trouée entre deux arbre apparaît enfin, et le carreau part pour s’enfoncer profondément dans la patte de la proie, qui s’écroule en grognant. Soulagé, Hans ralentit son pas, avançant tranquillement vers le géant tombé. Alors qu’il n’est plus qu’à quelques mètres, il entant un nouvel hurlement, et se tourne pour découvrir avec effroi une créature en tout point semblable à celle abattue, ses griffes enfoncée dans le dos de l’arrière garde du groupe. Le monstre de Brunhausen était donc deux créatures différentes ! Réfléchissant vite, Hans laisse un homme aux côtés du monstre abattu, et se précipite à la suite du second, qui s’enfuit dans les bois. Une course rapide en demi cercle ramène le groupe vers la trouée, mais peu avant celle-ci, leur proie semble s’affaisser en un coup, disparaissant dans les entrailles du sol. L’éclaireur de Hans pousse un cri de victoire :

-         Joli piège, Herr Hans, vous êtes vraiment le meilleur.

-         Pas de moi…

Se rapprochant, Hans constate que la créature est en effet tombée dans un trou bien creusé, situé sur le seul chemin possible de l’endroit. Qui peut bien s’aventurer en des lieux si dangereux, et prévoir avec un tel instinct le parcours ? Il avise alors une silhouette humaine proche de la trouée, qui l’apostrophe d’un ton tranquille.

-         Veuillez ne pas vous approchez trop de ma prise, Mein Herr, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver.

L’homme semble avoir une cinquantaine d’années, et ses yeux jaunes sont bien visibles dans la nuit naissante. Mais sa tranquillité et son apparente solitude irritent Hans, qui répond agressivement :

-         Je suis Hans Ernstner, et j’ai été engagé pour traquer cette bête, que je vais ramener à Brunhnausen. Il s’agit de ma prise.

-         Je me dois de contester, Mein Herr. C’est mon piège qui l’a tuée, et votre créature est sous la trouée.

            En parlant, l’homme a doucement reculé. Le monstre abattu râle toujours au sol, non loin. Hans pousse son avantage, de plus en plus convaincu que le mystérieux chasseur est seul.

-         Je suis désolé, mais mes hommes et moi même ramenons ces deux prises. Vous feriez mieux de vous en aller.

Ce faisant, il s’est rapproché de son interlocuteur, et est entré dans la trouée, où repose le corps du premier monstre. Toujours aussi calme, le chasseur aux yeux jaunes le regarde posément.

-         Vous faite une erreur, Mein Herr, une grosse erreur. Etes vous sûr de votre fait ?

-         Plus que jamais. Hors de mon chemin, vieillard !

Hans a fait un nouveau pas dans la trouée. Soudain, d’un mouvement d’une rapidité effrayante, le monstre abattu s’est relevé, et s’est jeté sur lui et ses compagnons. Sortant son arme pour tenter une parade désespérée, il lui semble juste entendre :

-         Amateurs…

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            L’homme aux yeux jaunes n’a pas attendu l’issue du combat. Tranquillement, il est allé jusqu’au piège, et a coupé la tête de la créature immobile, qu’il jette dans un sac qu’il ferme avec une cordelette. Sans un regard pour les corps étendus du groupe de Ersntner, il prend d’un pas mesuré la direction de la lisière. Une prise de plus ou de moins ne changera pas grand chose, et il sera toujours temps de revenir le lendemain. Avec la nuit tombée, l’homme aux yeux jaunes ne donne aucune chance au groupe.

-         Les créatures du ScharzenWald sont pleines de ressources…

Dit-il, sans s’adresser à quelqu’un en particulier.

-         Mais je le suis plus encore.

Une demi-heure plus tard, le Chasseur rejoint un petit cheval, et reprend en sifflotant un air d’opéra la route de Brunhausen.