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Le soleil se lève lentement, jetant ses premiers rayons sur la petite vallée ensoleillée. En file indienne, la petite troupe est épuisée après une nuit de marche silencieuses. Mais sur les visages, c’est la joie qui est de mise, tandis que surgit de la brume matinale le clocher de Bugeja, bientôt suivi des nombreuses petites maisons de la bourgade. Une dernière fois, Miguel se retourne pour scruter intensément le paysage derrière eux. Mais aucun mouvement ne vient troubler la quiétude matinale. Les derniers nuages se dissipent, laissant apparaître une série de silhouettes toutes vêtues de blanc, les enfants courant dans la direction des nouveaux venus et les accueillants bruyamment. Les hommes du village attendent un peu plus loin, la silhouette noire du Padre Jorge se détachant du groupe. La vision de Bugeja à l’aube met toujours du baume au cœur de la petite troupe. Ici comme dans tous les petits villages du Rancho Torrès, la présence montaginoise n’a rien enlevé à la passion castillane, bien au contraire. Jamais la population n’a été aussi unie. Mais si Bugeja est pour chacun un havre de paix et une promesse de repos, c’est encore autre chose pour Alvaro, dont deux cousins éloignés, la seule famille qu’il lui reste, vivent depuis maintenant près de deux ans dans le village. Petit à petit, la population de Bugeja a pris fait et cause pour les rebelles, leurs fournissant des vivres ou des outils à l’occasion, mais surtout du soutien moral bien nécessaire, en ces temps difficiles. Le Padre lui même a failli rejoindre la bande, mais dû renoncer devant ses nombreuses responsabilité sur place. Néanmoins, il ne rate jamais l’occasion de les guider par ses sermons et ses conseils. Long et d’une maigreur famélique, évoquant dans sa sombre tenue une sorte d’araignée, c’est d’un pas rapide que le Padre rejoint les nouveaux arrivants. - Quelles joie de vous revoir ici, Théus soit loué de vous avoir gardé en vie. Mais venez, entrons, un bon repas vous attends, vous devez êtres trop affamés que pour écouter les diatribe d’un pauvre Padre ! José qui avait pris la tête de la colonne, éclate de rire à cette remarque, bientôt suivi par les enfants dont les questions ne cessent de fuser. Il redevient un peu plus grave et salue fraternellement le Padre : - Votre acceuil nous fait toujours chaud au cœur, Jorge. Mais Juan est blessé, pouvez-vous l’aider ? Les deux hommes ont baissé le ton. Nul besoin que tous ici soient au courant. - Oui, bien sur, emmenez-le dans l’Eglise, je vous y rejoint dès que j’en ai fini avec Alvaro. Si je ne lui parle pas maintenant, je n’en aurais plus l’occasion. - Tiens, c’est vrai, je n’ai pas encore vu Veronica. Dites-moi Padre, qu’attendez vous pour les marier ? Prenant un air offusqué, le père s’exclame : - Vous n’y pensez pas sérieusement ? Véronica est une jeune femme qui mérite mieux comme mari qu’un vagabond sans le sou, courant d’un bout à l’autre du rancho et dormant à même la terre ! Les deux hommes rient à nouveau, avant que José ne salue et ne s’éloigne vers l’Eglise. Alvaro a fait décharger les mules, dont le précieux chargement est rapidement réparti par les femmes du village. Jetant un long regard circulaire, il fini par tomber sur la silhouette du Padre, qui semble l’appeler avec insistance. - Padre, vous tombez bien, pourriez-vous me dire où se trouve Véronica ? - Ne paniquez pas, jeune Signor, elle est en parfaite santé et, Théus m’en soit juge, plus resplendissante que jamais. Mais je voulais avoir le temps de vous parlez tout d’abords. Et où est passé votre respect des aînés ? Devant l’air amusé du Padre, Alvaro se sent comme un enfant pris en faute. - Excusez moi, Jorge. Mais les jours sont si longs… - Et ils le seront encore plus pour elle si vous disparaissez faute de préparation. Allons, dites-moi ce qui s’est passé depuis notre dernière rencontre. Les deux hommes s’éloignent du groupe, bientôt rejoint par les deux cousins d’Alvaro. Les trois hommes sont la tête de la rébellion, et les seuls à connaître ou supposer la vraie identité de son jeune chef. Pendant près d’une heure, ils devisent sur les différentes options, les caches, les nécessités en hommes et en matériel. Les choses terminées, Alvaro profite du calme de l’endroit pour s’enquérir des nouvelles de ses voisins et amis séparés par la guerre, et avec qui ses cousins sont restés en contacts. Le Padre lui s’est excusé pour aller écouter en confession ceux qui le souhaitent. Comme d’habitude, seul « Montagno » refuse poliment l’offre. Alors qu’ils reviennent vers le village, une silhouette menue et colorée cours dans leur direction. La reconnaissant, Alvaro bondit vers elle. - Véronica… Tandis que les cousins rejoignent le joyeux repas, un montaginois range précautionneusement sa lunette dans un étui en cuir. A plus d’un kilomètre du village, il a pu déjouer la vue perçante des éclaireurs. Sellant son cheval, il murmure pour lui même : - Une femme, un padre, et deux jeunes hommes… Que voilà d’intéressantes informations. Nulle doute que le Général saura quoi en faire. Allons, assez de temps perdu, la route est encore longue… |