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Tandis que son cheval suit presque seul la petite colonne de soldat, Pierre Montegue laisse comme souvent en voyages ses pensées vagabonder. Tout juste remarque-t-il la silhouette silencieuse de son compagnons de toujours, Karl Steiner. Depuis sa flamboyante victoires contre les deux armées de Riviera, la guerre à repris sont cours habituel, les castillans repliés dans leurs forteresses, et les armées montaginoises les assiégeants une à une. Même si la technique a depuis deux ans prouvée son efficacité, son inhérente lenteur irrite le jeune Général. Mais ce qui obsède Montegue, c’est la noire silhouette d’El Morro. Mille fois il a joué dans sa tête le déroulement de la bataille, sans jamais trouver de faille dans l’inexpugnable forteresse. De nombreux éclaireurs scrutent jour et nuit le massif, dans l’espoir d’y découvrir un nouveau moyen d’accès. Il ne sait que trop bien que si l’Empereur le commande, il devra lancer ses troupes à l’assaut. Et que ce pourrait bien être la première défaite du « Général Paysan ». Alors, en attendant, il met son légendaire talent de tacticien au services de plus petits conflits. Et si ses troupes continuent à l’acclamer à chaque victoire, il a de plus en plus l’impression de reculer l’inévitable première bataille perdable… Il revient lui après un discret coup de pied de Steiner, tandis qu’un éclaireur attend visiblement quelque chose de lui. - Et bien, soldat, parlez donc. Sommes nous encore loin du point de rendez-vous ? - Non, mon Général. Le Général de Trénancourt se trouve au village de Bugeja, juste derrière cette colline. Je vais l’avertir de votre venue. - Non, restez. Rien ne presse, il nous verra bien de lui même. Un peu étonné, le soldat regagne le rang. Tard dans la nuit, lui-même et un autre homme de De Trénancourt étaient arrivé à son camp pour lui signifier le changement de lieu de rendez-vous. Montegue s’était incliné, n’ayant que peu le choix. De Trénancourt lui est peu sympathique, et à son avis assez peu capable, mais son devoir l’obligeait à le côtoyer, ne fusse que pour coordonner les mouvements. Leurs entrevues en faces à faces étaient rares, nécessaires et ennuyeuses. Pour quel raison avoir choisi ce coin perdu de Castille ? Sans la présence de ses homme, et sa confiance totale en sa capacité de faire face à toute situation imprévue, il en aurait même conçu quelque anxiété. Mais dans cette région conquises, seules des bandes de résistant de dix ou vingt hommes survivaient encore, et s’ils étaient fort gênant au niveau des lignes d’approvisionnements, ils n’étaient pas de taille face à la petite troupe de Montegue… Et il le savent, conclu-t-il comme à regret. - Montegue, il y a quelque chose d’anormal dit alors Steiner. - Quoi donc ? - Nos deux hommes de têtes sont arrêtés en haut de la colline, et semble regarder quelque chose en contrebas… - Bah, Le Borgne aura encore trouvé une de ses grandes idées quelconques, c’est sans importance. Chevauchants côte à côte, les deux hommes évitaient ainsi d’être entendus, et se permettaient dès lors quelques écart de langages. Mais Steiner semblait avoir vu juste… Il y a avait une odeur dans l’air, comme si l’on avait tiré au mousquet récemment. Mais si De Trénancourt était en danger, les hommes de têtes auraient donné l’alerte. Poussant leurs chevaux, Steiner et Montegue galopèrent jusqu’au sommet de la colline. En contrebas se trouvait le village de Bugeja… Ou plutôt, ce qu’il en restait. - Théus nous garde, murmura Steiner… Que s’est-il donc passé ici ? Montegue resta silencieux, mais son visage exprimait une gravité teintée de colère retenue tandis qu’ils descendaient lentement le chemin. Sur la place du village, entourée de bâtiments encore fumants, De Trénancourt avait fait dresser une table, à laquelle il attendait Montegue. Buvant avec ses officier, il semblait rire d’une bonne plaisanterie. Incrédule, le Général s’arrête un instant pour observer les alentours. A une dizaine de mettre de là, plusieurs corps sont étendus, encore attachés à des pieux de bois. - Et bien Pierre, que faites-vous ? Venez vous asseoir, et goûter moi ce vin ! Il viens de Vodacce, c’est une de mes récente prises de guerre. De plus en plus nerveux, Montegue fait enfin faire à son cheval les quelques pas qui le sépare de la table, avant d’apostropher De Trénancourt du haut de son cheval. - Général, que s’est il passé ici ? - Oh, rien d’important. Mais je peux vous annoncer, et je l’ai d’ailleurs écrit à l’Empereur que la bande d’Alvaro ne nous posera bientôt plus de problème… - Quel rapport avec cet endroit ? Montegue avait bien peur de comprendre, mais il devait y avoir une autre explication. Il senti Steiner se rapprocher légèrement, pour tenter de le calmer, mais il n’y tenait guerre. - Et bien c’est simple : un de mes hommes à pu suivre la bande d’Alvaro jusqu’à ce village, qui leur servait apparemment de base arrière. Je suis donc venu pour m’informer auprès d’eux de la position de la cache de ce renégat. Quel pitié qu’ils ne se soient pas montrés plus coopératifs. Quand ces gens comprendront-ils que nous avons gagné la guerre, et que leur orgueil est pour le moins mal venu ? - QUOI ? Qu’avez vous fait à ces gens ??? - Enfin, Pierre, un peu de sang-froid, je vous prie. Nous menons une guerre, je vous rappelle, et tout ça ne serait pas arrivé s’ils ne s’étaient pas obstinés. Derrière Steiner, les hommes de Montegue se sont rapproché car leur chef, réputé d’un calme imperturbable, et de toute évidence sur le point d’exploser, les traits tirés, et l’élocution difficile. Il reste immobile encore quelques instants, puis n’y tenant plus, fait ruer son cheval, renversant la table et le précieux vin, ainsi que le siège même de De Trénancourt. Avant que celui-ci ou qui que ce soit ai pu réagir, Montegue a sauté de cheval, et attrapé son collège général des deux mains, le secouant contre le sol. -
Ce qui m’énerve le plus, ce n’est même pas que vous ayez jugé
utile de satisfaire votre cruauté sur ces gens, non ce qui me met en rage,
c’est que vous ne semblez même pas comprendre que vous venez peut être de
NOUS FAIRE PERDRE LA GUERRE IMBECILE ! Personne autour n’ose
esquisser un mouvement. Voyant Garnier faire mine de mettre la main à son
sabre, Steiner braque un pistolet dans sa direction. -
A votre place je ne bougerai pas. Je n’ai jamais raté un homme à 20 mètres,
alors à trois, vous pensez bien… Même si la voix de Steiner
n’est pas aussi sure qu’il le voudrait, Garnier suspend son genre. De Trénancourt
regarde Montegue sans comprendre, ce dernier au comble de la fureur. -
Vous savez ce que Karl Steiner m’a dit un jour, quand je lui ai demandé
pourquoi plus de Eisen ne servaient pas les Vendel dans leur conflits avec les
Vesten : « Ne jamais, jamais confronter un chien acculé ».
Alvaro va revenir avec ses hommes, et quand il aura vu ce qui s’est passé, IL
N’AURA PLUS RIEN A PERDRE. Alors il sera temps pour nous de commencer à avoir
peur. Ne vous en faite pas pour votre reconnaissance, je ne manquerai pas de
parler à l’Empereur de la manière exemplaire dont vous le servez. Je pense même
demander qu’un messager Porté me ramène à Charouse aujourd’hui. Et je ne
voudrais pas être à votre place quand je reviendrais. Si toutefois bien sur
Alvaro me laisse quelque chose… Sans un mot de plus, Montegue remonte sur son cheval et suivi de Steiner et de ses hommes, quitte le village calciné.
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