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Deux jours ont passés, durant lesquels Charles n’a repris connaissance
qu’a de rares moments. Mais alors que Paul rentre de la pêche, il est surpris
de voir leur pensionnaire levé, faisant quelques pas derrière la maison. - Théus soit loué. Je suis heureux de vous voir debout, monseigneur. -
Je vous remercie, Paul. Je ne sais ce que je serai devenu sans vous et
votre femme. Mais rentrons. Je vous avait promis la suite de mon histoire, et
Marthe nous attend. Les deux hommes entrent d’un même
pas dans la petite maison. Charles s’assied, et reprend son récit. « Le navire mis à ma disposition par le Roi (excusez-moi, l’Empereur) mon frère, nommé fort à propos « Espadon Royal » était un vaisseau moderne, servit par un équipage des plus compétent. Si sa taille modeste ne permettait pas un armement démesuré, j’y avais toutefois droit à une spacieuse cabine, où je me mis rapidement au travail. Ayant trois voir quatre semaine de voyage devant moi, je comptais bien profiter de ce temps pour mettre au propre l’inévitable rapport écrit qui m’était demandé. Mais dès le second jour de la traversée, je me retrouvai incapable de me concentrer, vu l’état agité de la mer. N’ayant pas le sens marin, je m’informai auprès du Capitaine des éventuels problème que ce vent pourrait causer. Celui-ci me rassura bien vite : l’ « Espadon » était un bateau solide, et je ne risquai tout au plus que quelque maux d’estomac. Il ne me restait donc plus qu’à prendre mon mal en patience, en espérant voir revenir le beau temps au plus vite.
Mais au delà des caprices de la mer se cachait un danger bien plus
grand, que je ne pouvais soupçonner. Le soir arriva sans que les éléments ne
semblent se calmer, bien au contraire. Je passais le plus clair de mon temps sur
le pont, tentant de conjurer les innombrable désagréments causés sur mon
organisme. C’est pourquoi je fut en bonne place pour entendre la vigie hurler
par delà les rafales de vent. -
Voile à 5 heures ! Le Capitaine sorti hâtivement
de sa cabine pour s’enquérir des nouvelles et donner ses ordres. -
Faite monter un second homme à la vigie, et qu’il ne le perde pas de
vue. Réveillez dix hommes de plus, et faites les monter sur le pont. Il ne sembla qu’a ce moment
prendre conscience de ma présence sur le château arrière. - Votre Altesse, vous devriez retourner dans votre cabine, le vent risque encore de monter. - Je vous remercie, Capitaine, mais je reste. Continuez donc votre travail et ne vous préoccupez pas de moi. -
Bien, Votre Altesse. Sur le pont, de nombreux marins
s’activent, sous la houlette vigilante du Bosun. Chacun attend les nouvelles
de la vigie : ami ou ennemi ? Le Capitaine semble gêné de ma présence.
Je suppose qu’il ne veut pas m’inquiéter inutilement, et cette servilité
m’énerve plus que de raison. Le cri de la vigie interrompt mes réflexions. -
Il hisse un pavillon ! Rouge et Or… Un Castillan probablem… La voix s’est tue net. Je lève
la tête, craignant qu’un coup de vent ai fait tomber l’audacieux marin,
mais je pense apercevoir deux silhouettes en haut. L’instant d’après tombe
la réponse à ma muette interrogation. -
Non ! Rouge et BLANC. Brotherood of the Coast ! PIRATES !!! C’est un véritable hurlement,
rapidement répercuté, qui s’étend sur le pont. Au milieu des visages apeurés,
le Bosun seul reste de marbre, sa voix forte mais contrôlée couvrant le bruits
des vagues/ - Allez chercher les mousquets, et que les canonniers tribords se préparent. Hisser le maximum de surface de voile ! - Mais… Le vent… Elles risquent de se déchirer. -
On ne DISCUTE PAS ! Vous préférez finir aux mains des forbans
d’Allende ? Son intervention est salutaire,
car chacun sur le pont à trop à faire que pour s’inquiéter. Excepté le
Capitaine …. Et moi-même. Sortant ma longue-vue, je tente d’apercevoir le
vaisseau ennemi. De longues minutes s’écoulent, tandis que je scrute les
vagues, avant d’apercevoir la silhouette noire du bateau pirate. Si le combat
naval m’est entièrement étranger du point de vue pratique, mes lectures me
permettent toutefois quelques estimations : le navire est d’une taille
similaire à celle de l’ « Espadon », un sloop probablement.
Mais il n’est probablement pas encombré de vivres pour une traversée aussi
longues, et le nombre de sabords semble largement supérieur au nôtre.
J’entend à ce moment les multiples explications du Capitaine, sur la qualité
de notre équipage et de nos soldats, qui fera sans nul doute la différence, même
s’il préfère, pour m’éviter toutes mauvaise surprise, éviter le combat.
Je me contente de hocher la tête, avant de reprendre mon examen. Le tonnerre frappe à ce moment.
Troublé par l’intensité du bruit, je manque de lâcher le bastingage sur
lequel je me tiens. Passées les quelques secondes de désorientation, je me
rend compte qu’il ne peut s’agir de l’orage encore trop loin, mais bien
d’un coup de canon. La semonce, suppose-je. Peu après intervient un nouveau
cri de la vigie. - Drapeau rouge… PAS DE
QUARTIER !
La panique manque de saisir l’équipage peu habitué à ce genre de
traitement. Ce qui m’inquiète personnellement bien plus, c’est que les
pirates se sont sensiblement rapprochés, et que tout leurs sabords sont à présent
ouverts. Je me prépare à l’imminente bordée à venir. Mais à ma surprise,
ce sont nos canonniers que semble s’êtres montrés les plus rapides, tandis
que le feu jailli de notre côté. La hauteur des vagues et la pluie battante
m’empêchent toutefois de constater les résultats… Si ce n’est que les
pirates n’ont pas infléchi leur courses, et se rapprochent dangereusement.
Sur le pont en contrebas, les mousquetaires s’activent, prenant fermement
appuis, et tentant de protéger les mousquets de l’humidité.
Je comprend enfin la raison de l’étrange comportement du bateau ennemi :
ils ne viennent pas pour piller, mais pour nous couler. Patiemment, le capitaine
pirate à joué avec nous pour forcer la première bordée. Avant que nous ayons
rechargés, il sera assez près que pour trouer la coque. Pestant contre
l’incapacité de mon capitaine, je ne peux désormais qu’attendre l’irrémédiable,
alors que j’assiste aux futiles préparations pour recevoir un abordage qui ne
viendra probablement jamais. -
Votre Altesse, la barque est prête… Je préfère envisager le pire…
On ne sais jamais avec ces sauvages. Mes cartes font état de la présence
d’une petite îles à moins de deux miles d’ici. Nous vous y rejoindrons
aussitôt cette affaire réglée. Résistant à l’envie de lui dresser la panoplie de ses incompétences diverses ainsi que ma profonde foi en son incapacité à faire face à pareille situation, je le suis vers le bâbord épargné par le feu ennemi. Une série de coups sourd résonnent alors, immédiatement suivis par de multiples craquements et cri. Faisant signe au capitaine de s’occuper de ses hommes, je me dirige vers la barques où m’attendent déjà deux marins. Ils me hissent à bords, tandis que deux autres actionnent la poulie permettant de descendre le frêle esquif dans l’eau. J’observe à quelque mettre au dessous de moi les embruns de la mer déchaînée… Mètre à mètre, nous nous rapprochons de les eaux, sans savoir ce qu’il se passe sur l’ « Espadon ». Alors que nous touchons enfin la surface, une seconde bordée atteint le navire, qui se met à gîter dangereusement. Avec une énergie folle, mes deux marins rament à coups rapides pour nous éloigner au plus vite du bateau naufragé qui semble miraculeusement encore avancer. Je regarde la grande silhouette noire devenir de plus en plus petite, tandis que la barque est secouée de tout côté. Enfin face à nous apparaît une côte déchiquetée. Les marins ont cessés de ramer, le courant et le vent nous poussant droit sur une pointe rocheuse. Quelques secondes après, un énorme craquement se fait entendre, alors que la barque se fend littéralement en deux. Je plonge bien involontairement dans l’eau glacée, tentant de me raccrocher à un morceau de bois, avant que ma tête ne cogne contre un obstacle, faisant descendre sur moi un voile noir.» - C’était il y a plus de deux ans... Quelques jours auparavant, j’étais riche, considéré par tous, apprécié de la haute société. Et je me suis retrouvé seul, perdu au fin fond de l’Outremer. Marthe, pouvez-vous m’amener mon sac ? -
Certainement, monseigneur. Marthe sort un instant de la pièce,
avant de rentrer avec le fameux sac en cuir huilé. Charles l’ouvre précautionneusement,
et en sors une bague ainsi qu’une petite bourse. Il retourne celle-ci, faisant
tinter une vingtaine de lourdes pièces en or, et passe rapidement la bague à
son doigt, semblant quelque peu rassuré à ce contact. Paul l’interroge
alors. - Cet objet est-il important ? -
Oh oui, mon bon Paul. Il s’agit de mon sceau, et peut-être bien de mon
salut, mais si cela ne vous fait rien, nous en reparlerons demain, je suis assez
fatigué, et les choses seront plus claires à l’issu de mon récit. Marthe referme doucement la porte, observant leur étrange hôte, Prince redevenu homme, s’endormir immédiatement, l’air plus paisible qu’auparavant… |